Patricio Guzmán dit :
J’ai toujours cru que nos origines sont enfouies dans le sol mais, aujourd’hui, je pense que nos racines se trouvent au-dessus de nous, au-delà de la lumière.
Au nord du Chili, coincé entre le Pacifique et la Cordillère des Andes, le désert d’Atacama est le lieu le plus aride et le plus sec au monde. Il est aussi l’étrange point de convergence des regards tournés vers le passé.
Son sous-sol renferme les vestiges remarquablement conservés de la civilisation indienne mais aussi, disséminés dans les sables, les cadavres d’opposants politiques emprisonnés dans le camp de Chacabuco durant la dictature puis assassinés. Mais ce n’est pas tout. La clarté constante de son ciel a entraîné l’implantation en ce lieu de gigantesques télescopes gérés par des équipes internationales qui en font le plus grand site d’observation astronomique au monde.
Là, des archéologues fouillent le sol pour reconstruire l’histoire.
Là, des femmes grattent la croûte de sable, sans relâche depuis vingt-huit ans, pour tenter d’exhumer quelques restes de leurs proches disparus.
Là, des astronomes tournent leurs yeux vers le ciel pour y capter les signes de la création de l’univers.
Tous scrutent le temps, à la rencontre du passé. Tous recherchent la lumière.
Telle est la trame vertigineuse du film que présente Patricio Guzmán en 2010, Nostalgia de la luz.
Il s’agit moins d’un documentaire que d’une longue et magnifique méditation philosophique et poétique sur nos origines et sur la quête obstinée des moindres signes présents de ce qui est à jamais perdu.
La scrutation du ciel, l’observation du fond diffus cosmologique, la captation des rayonnements issus des premiers instants de la création de l’univers constituent le quotidien des astronomes d’Atacama mais aussi la métaphore de notre regard nostalgique vers une connaissance qui nous fonde et à laquelle nous n’accèderont jamais.
Vers ce qui nous précède.
Vers là d’où nous venons et qui est pour toujours disparu.
La lumière primordiale est ici le symbole de la perte irrémédiable et absolue, qui nous hante et nous obsède sans fin.