Les anciens romains nommaient la lumière du jour, le jour lui-même, lucifer.
Sur l’alpe, surplombant la terre, Faust, dans la crainte, guette la clarté du levant.
Sie tritt hervor ! – und, leider schon geblendet,
Kehr ich mich weg, vom Augenschmerz durch-drungen.
(Elle point ! – et, malheureusement déjà aveuglé,
Je me détourne, transpercé par la douleur oculaire.)
Faust est lucifuge. Il fuit la lumière.
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Il y a une violence de l’astre solaire. Sa lumière est une brûlure.
L’œil humain n’en peut soutenir la vision.
Juan de la Cruz dit :
Ciega y priva de la vista que se le da, por cuanto su luz es muy desproporcionada y excesiva a la potencia visiva.
(Il aveugle, il prive de la vue plutôt qu’il ne la donne, parce que sa lumière est disproportionnée et excessive par rapport à la puissance visuelle.)
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Dans les jours qui ont suivi l’éclipse de soleil du 11 août 1999, l’Institut de Veille Sanitaire a recensé 143 cas d’héliotraumatisme en France. La moitié des lésions rétiniennes observées avait entraîné une baisse importante et irréversible de l’acuité visuelle.
Ceux qui, en ce jour d’août, voulurent voir le soleil en face eurent la partie centrale de la rétine – la macula – brûlée par l’effet thermique des rayonnements infrarouges. La macula est une tache, elle est aussi une marque. Celle d’une lumière à jamais perdue.
Leur regard, désormais, s’éclaire d’un petit soleil noir qui obscurcit le visible. Il promène une ombre sur le monde.